Tout a commencé au Henrietta. Quelle histoire de date n’a pas déjà commencé au Henrietta?
Nous sommes vers la fin de l’été 2019. Il fait chaud, je reviens d’un voyage à Barcelone donc je suis juste assez bronzée pour cruiser (comme si ça m’empêchait de quoi que ce soit anyway). Je suis avec trois de mes amies, qui sont dans le même mood que moi: flirty.
On est toutes belles, prêtes à se mettre un peu cocktail pour sortir après. C’est le début d’une épopée. La soirée de tous les possibles. Et on est toutes prêtes à dépenser comme si on avait le salaire de nos parents.
Celui qui nous sert cette soirée-là, c’est Victor. Un beau grand brun avec des lunettes un peu sales, qui ajoutent un petit quelque chose dirty à son charme. Il porte un t-shirt noir qui laisse entrevoir ses bras remplis de tattoos. Des tattoos de bouffe, des tattoos de femmes toutes nues. Je trouve ça bold. À date, j’aime le personnage.
Il est jovial, super charismatique et il lance quelques petites jokes par ci par là. La soirée commence bien.
« Laissez-moi vous arriver avec des recommandations de vin, ok? On dirait que je size votre groupe. », nous dit Victor. Ben oui, on est basic. On verra s’il va arriver avec un rouge léger.
« Gen, il est tellement ton genre. », clame mon amie J. Elle me connaît bien. Je me feel ce soir, en plus. J’ai les cheveux lousses, une chemise un peu décolletée et je n’ai pas eu à recommencer mon eyeliner. Tout est aligné - comme le trait noir sur mes paupières - pour que cette soirée soit mémorable jusqu’à une certaine heure. C’est à ce moment que je me mets à douter, malgré les compliments de mes chumes.
Peut-être que je ne suis pas son genre, à Victor? Peut-être que je suis laide? Peut-être sera-t-il plus porté vers mon amie S? Ou mon amie J? Ou mon amie M? Pourquoi viendrait-il vers moi? Mes amies sont fantastiques?
Maudite comparaison. Maudit manque de confiance en moi. J’ignore ces voix dégoûtantes dans ma tête. Elles ne gâcheront pas ma girls night. C’est pas vrai.
Victor nous amène trois bouteilles. Un Allemand blanc. Un Autrichien orange. Et un rouge léger d’Italie. Il nous connaît bien. Je vais le prendre personnel, avec toute la candeur possible.
J’ai senti le parfum de Victor dans son élan. Une odeur épicée, un peu vanillée. Oh, c’est un mélange qui tombe parfaitement dans mes cordes. On verra si ça s’accorde bien avec de l’alcool.
Il me fait goûter le rouge Italien en premier. Il le goûte aussi, on boit notre très petite quantité en se regardant dans les yeux. Il me murmure, avec un sourire aussi léger que le vin: « Pis. T’aimes ça? » Comme s’il venait d’identifier la basic bitch de la soirée. J’haïs pas ça, étonnement. On dirait qu’il me connaît. On dirait que je le connais. Nous nous connaissons.
Je sais accorder mes verbes et mon vin.
J’acquiesce avec un hochement de tête délicat. La situation devient soudainement taquine. Il sait que je suis conquise. Par le choix du vin, évidemment.
Contre toute attente, on décide d’aller avec le rouge d’Italie. C’était sincèrement le meilleur des trois choix, même si les deux autres étaient délicieux. Il nous conseille bien à date, le Victor. Je sens que je vais drunk tipper à souhait.
Mes trois amies ont toutes vu la scène. On complote dès qu’il part vers la cuisine:
J: OMG.
S: Gen, y’a une vibe entre vous.
G: Ouais? J’sais pas…
J: BEN OUI.
M: Il doit faire ça à ben des filles, je ferais quand même attention.
J: T’es plate, M. Laisse-nous donc rêver un peu.
S: C’est la même chose pour Gen, c’pas la première fois qu’elle cruise un serveur!
On part toutes à rire. Victor et moi sommes deux élèves modèles de la classe de maître du flirt. On sait comment ça marche. C’est pour ça qu’on se feel autant. Je crois.
Victor revient à notre table, avec un autre serveur, déposer nos plats. Le grand brun (chaud) à lunettes nous explique chaque recette, nous décrit chaque aliment. J’écoute fuck all. Je l’analyse. Je regarde ses lèvres pulpeuses, ses mimiques, ses yeux en amande, sa gestuelle. Alright tout le monde, c’est terminé: je suis attirée par lui. Il y a une vivacité dans son regard qui me donne le goût d’en savoir plus. Il est la plus belle forme de bannière web (joke de pub).
Il termine son monologue en me regardant droit dans les yeux:
« Pis. Toujours bon ton rouge léger? »
« Aussi excellent que celui qui me l’a conseillé. », dis-je avec une confiance surprenante. Je ne pensais pas que j’avais ça en moi. Ai-je vraiment dit ça? Qu’est-ce que je voulais dire par là? Shoot.
Il esquisse un sourire visiblement charmé. Il hoche la tête en faisant une moue approbatrice. Comme un « good job, girl ».
Score.
Il quitte notre table et je sens 3 paires de yeux se ruer sur moi. On éclate de rire. Mes amies n’en reviennent pas. Moi non plus. On mange. On glousse. On boit. Je n’ai pas besoin de plus pour être heureuse.
Il est 23h et on est bourrées, dans tous les sens du terme. On a mangé pour 10 et on a bu pour 20. J’ai pas hâte de voir le bill, mais je me sens généreuse ce soir. On rira moins demain en regardant mon compte en banque.
Parlant de demain. J’ai une journée caritative, moi. Je dois faire des sandwichs lors de mon tournoi de balle molle. Je dois aussi jouer à ladite balle molle. Ouch. Empaillez-moi quelqu’un pis vite.
Je demande les additions à notre cher Victor, un peu à contre-cœur. Je n’ai pas envie de voir le montant tout de suite. Je veux encore rêver. Laissez-moi baigner dans le rouge léger pour l’éternité, on se reverra de l’autre côté. (J’adore rimer) Victor nous donne les quatre factures. Il me donne la mienne en dernier. Il part à la course chercher la machine.
Je vois sur le dos du bill, un message.
« Bar. Je finis dans 5 min », est-il écrit par Victor, je présume.
Mes amies arrêtent de respirer. Je leur dis de se calmer. Moi-même, faut que je me calme.
Je peux tout de suite dire que ce ne sera pas ma meilleure partie de balle molle demain.